lundi 29 septembre 2008

Stanford - Acte III


Eh oui, comme le montre cette photo fort à propos, ça sent la fin : j'ai fait lundi dernier ma 23e rentrée scolaire, celle qui devrait être la der des ders. C'est pas que je sois pressé de commencer à travailler, mais je ne suis pas mécontent non plus d'en finir.
Au menu de ce dernier - et court - trimestre à Stanford, un emploi du temps bien chargé et peu de temps pour méditer sur ces dernières semaines de vie étudiante. Je prends 10 units seulement, mais j'audite plusieurs cours et j'ai quelques activités parallèles.

Decision analysis and stochastic process modeling for civil and environmental engineers

C'est un cours théorique qui sert à modéliser des phénomènes aléatoires (le passage d'un ouragan, la dispersion d'une nappe de pétrole...) afin d'éclairer la prise de décision en présence de ces phénomènes incertains. Pour l'instant c'est facile, mais comme j'ai soigneusement évité tous les cours de maths app à l'X je m'attends à subir un peu.

Finance for non-MBAs

Rien à voir avec l'environnement : il s'agit d'un cours de culture générale permettant de comprendre le monde de la finance d'entreprise et de marché. Le sujet est bien d'actualité et la prof reconnue et influente dans le milieu.

Topics in French literature and philosophy

Encore une fois rien à voir avec mon domaine. Je prends ce séminaire pour le fun, car il est donné par Michel Serres qui est prof à temps partiel ici, et je pense que je n'aurai pas l'occasion de l'écouter en France alors j'en profite !

Voilà pour mes 3 cours, mais comme ce serait trop facile j'audite aussi quelques autres cours :

Stochastic Processes

Qui aurait cru que je me retrouverais un jour à aller en cours de maths juste pour le fun ? Et pourtant c'est bien le cas, autant parce que j'en ai besoin pour le premier cours dont j'ai parlé que par plaisir. Je ressens vraiment l'intérêt de l'approche américaine, beaucoup plus concrète que la notre, ce qui me permet de reparcourir les polys de l'X en sachant de quoi ça parle...

Interactive management science

Je ne comprends toujours pas pourquoi ce cours s'appelle comme ça, mais passons. C'est un cours qui permet d'intégrer à des feuilles excel des outils de simulation pour prendre en charge des données aléatoires (des prévisions de ventes, des estimations de coûts etc... - des simulations de Monte Carlo pour ceux qui connaissent). Ca permet de travailler de manière beaucoup plus précise et dynamique qu'en utilisant des valeurs moyennes.
Un exemple simple : si vous menez un projet composé de 10 sous-tâches parallèles prenant chacune en moyenne 3 mois, avec 50% de chances de prendre plus de 3 mois, quelle va être la durée moyenne du projet ? La majorité des gens répondront "3 mois" alors que la probabilité que le projet prenne 3 mois ou moins est la même que celle de faire "pile" en lançant 10 fois de suite une pièce, soit moins d'1/1000 ! C'est pour éviter ces erreurs qu'on utilise des simulations, et c'est pour les rendre accessibles au plus grand nombre qu'on utilise excel.

Ecology, nature and society: principles in human ecology

Après la lecture de Tristes Tropiques de Levi Strauss cet été, je me suis intéressé pour la première fois à l'anthropologie et j'ai trouvé ce cours qui cerne bien mes intérêts. Ce fut la révélation : c'est exactement ce que j'attendais, puisque le champ d'études se situe à l'intersection de l'histoire, la biologie, la philosophie et l'économie. Passionnant.

Ensuite, n'oublions pas que je suis teaching assistant, ce qui me rajoute 3h d'amphis auxquels il faut que j'assiste, 2h où je réponds aux questions des élèves, et une quarantaine de copies à corriger toutes les semaines.

Enfin, comme mon réacteur n'est pas encore en marche - la faute à plein de problèmes techniques et à mon prof qui est un peu lunatique - je continue de passer quelques heures par semaine au labo.

Conclusion : je crois que passé décembre, je vais attendre un peu avant d'aller travailler...

vendredi 19 septembre 2008

Environmental Facts #6 - McCain et Obama

Une chose me plaît dans la campagne américaine : la position centrale qu'occupent les problématiques d'énergie et (dans une moindre mesure) d'environnement. Obama, en bon démocrate, bat-il McCain à plates coutures ? On dit souvent de McCain qu'il est un républicain attentif à l'environnement, mais qu'en est-il vraiment ? J'ai donc cherché à en savoir plus en comparant moi-même les programmes des deux candidats en la matière.Et les résultats sont étonnants ; l'article est long, mais il faut ce qu'il faut. Les lecteurs un peu pressés pourront zapper les sections "points d'achoppement" et "points d'accord" ; si vous êtes encore plus pressés, contentez-vous de ce tableau ; si vous avez plein de temps, allez aussi faire un tour sur cet article de Rue89.


Une approche et un diagnostic à peu près identiques

C'est un gros progrès par rapport aux campagnes précédentes : les deux candidats partagent le constat simple qu'il est urgent d'agir. On trouve donc sur leurs sites web respectifs de beaux projets : le Lexington Project articulé en 6 axes pour McCain, et le New Energy for America, un plan à 4 volets pour Obama. Les deux candidats se rejoignent donc sur la forme.

Sur le fond, sans rentrer dans le détail des mesures proposées, le diagnostic est le même dans les deux camps : l'Amérique consomme trop d'énergies fossiles et émet trop de gaz à effet de serre (GES), il faut donc y remédier.
Les axes de McCain sont la production domestique de pétrole et de gaz, la réforme du transport automobile, l'investissement dans les énergies renouvelables, l'action contre le réchauffement climatique, l'efficacité énergétique et le problème de la spéculation sur le pétrole.
Chez Obama les thèmes sont plus transversaux, chacun recoupant plusieurs des axes de McCain : un soulagement à court-terme pour les familles face aux prix de l'énergie (qui passe également par le problème de la spéculation), la fin des importations de pétrole en provenance du Venezuela et du Moyen-Orient (grâce à la production domestique et aux transports), la création de 5 millions d'emplois "verts" (énergies renouvelables, efficacité énergétique), et une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En outre, les deux candidats s'accordent sur l'utilisation d'un mécanisme de marché de quotas étendu à toute l'économie pour lutter contre le réchauffement climatique.

Le diagnostic est identique, les solutions proposées sont relativement similaires : ceux qui s'attendaient à de grands désaccords de fond en sont pour leurs frais, les deux candidats affichent d'emblée une étonnante proximité sur le sujet.

Cela étant, en cherchant bien sur son site, on peut trouver le plan d'Obama non plus pour l'énergie mais pour l'environnement au sens large. C'est un document très complet et plein de bonnes idées que McCain s'abstient bien d'évoquer - il faut dire que ça contredirait la plupart des lois qu'il a votées sous les deux mandats de Bush. Ce dernier esquisse néanmoins un plan d'adaptation aux conséquences du changement climatique, chose qui n'apparaît pas dans la trousse à outils d'Obama.

L'indépendance énergétique, pierre angulaire des deux programmes

On peut s'en réjouir ou le regretter, mais ce n'est pas la prise de conscience d'un péril imminent qui a fait de l'énergie l'un des sujets number one, mais bien la récente explosion des prix (voir le graphe qui fait peur).

Effectivement les USA importent 60% de leur pétrole soit 10 millions de barils par jour, l'équivalent de la production quotidienne de l'Arabie Saoudite. Obama comme McCain ont fait de l'indépendance énergétique des Etats-Unis leur priorité absolue : Lexington n'est-il pas le nom de la ville où débuta la guerre d'indépendance ? C'est bien-sûr une mesure de bon sens, mais teintée d'une bonne dose de populisme. Il suffit en effet de dire aux américains qu'il en va de leur sécurité pour faire mousser l'affaire, et d'utiliser les quelques mots qui font peur pour finir de faire monter la sauce. Obama est le moins insistant et se contente de transformer "Venezuela" en "Venezuela d'Hugo Chavez" (le nom de Chavez suffisant à provoquer une réaction d'urticaire à la moitié du pays). McCain qui aime jouer aux gros bras sort l'artillerie lourde et répète à l'envi qu'il est indispensable de cesser de financer, en achetant leur pétrole, des régimes autoritaires comme ceux du Moyen-Orient ou de l'Iran, ennemis des Etats-Unis.

Le vieux monsieur oublie bien-sûr de préciser que les Etats-Unis n'importent plus de pétrole iranien depuis 1988 (guerre Iran-Irak), sauf de juillet à novembre 1991. En ce qui concerne l'Arabie Saoudite - vivier du fondamentalisme sunnite, la famille Séoud ne doit sa place au pouvoir qu'aux Etats-Unis qui, depuis la création de la Joint Economic Commission au début des années 70, assure la protection du régime et ferme les yeux sur ses pratiques en échange de robinets ouverts, de prix bas et surtout de ventes exclusivement réalisées en dollars.

Quoi qu'il en soit, le discours sur l'indépendance énergétique est une bien belle réthorique qu'il va être difficile de mettre en oeuvre, la faute notamment au tarissement des puits nord-américains. Le Washington Post explique très bien pourquoi la promesse d'Obama risque de ne pas être tenue mais oublie bien-sûr de préciser que McCain promet la même chose.

Quelques points d'achoppement plus ou moins médiatisés

Le premier grand clash, hautement médiatisé, intervient sur le dossier de "l'offshore drilling" (forages pétroliers en haute-mer). Certaines zones riches en pétrole sont pour l'instant interdites au forage : McCain souhaite revenir sur ces interdictions (tout comme 70% des américains) ; Obama, dans une posture courageuse, a initialement refusé ce type de forages, avant de plus ou moins se dédire sous la pression de son adversaire.
En échange, Obama propose d'obilger les compagnies pétrolières à exécuter tous leurs contrats d'exploitations, ce qui permettrait d'éviter que des zones où le forage est actuellement autorisé ne restent pas inexploitées ; en outre il propose d'autoriser très modérément l'exploitation du pétrole du Montana, du Nord-Dakota et de l'Alaska (Palin souhaite, elle, une autorisation totale de forage en Alaska).

Plus curieusement, Obama juge également nécessaire de taper dans les réserves stratégiques du pays (700 millions de barils de pétrole enfouis autour du golfe du Mexique prévus pour faire face à une situation de crise) pour faire baisser les prix. Je n'ai pas vérifié, mais je crois que McCain s'y oppose, à juste titre me semble-t-il. Une telle action apporterait certes un soulagement immédiat, mais faible, de courte durée (un mois), à un prix exorbitant et sans rien changer au fond du problème.

Egalement très médiatisées puisqu'elles sont au coeur de la rivalité historique entre démocrates et républicains, les taxes sur les énormes profits des compagnies pétrolières réalisés grâce aux prix élevés du pétrole. On s'en doute, c'est Obama qui a lancé l'idée (pour redistribuer $1000 par famille et $500 par personne célibataire) et c'est McCain qui la combat vigoureusement. J'y suis pour ma part tout à fait favorable, ces extra-profits ne correspondant pas à un excès de richesses produites mais à une aubaine, celle des prix élevés. Certes les compagnies ont besoin de fonds propres pour développer leurs activités d'exploration-production, mais le budget qui y est consacré est ridicule par rapport au bénéfice net : ainsi de telles taxes ne plomberaient pas comme on le dit la compétitivité de ces entreprises.

Un dernier point d'achoppement concerne le marché de permis négociables pour réduire les émissions de GES (voir mon article sur le sujet). L'architecture du marché proposé par McCain reprend celle du Liberman-McCain Act, une proposition de loi visant à réduire les émissions de GES qui a été rejetée par le congrès au printemps dernier. Celui d'Obama est plus agressif, mais pas nécessairement plus efficace : McCain vise une réduction de 60% des émissions d'ici 2050 par rapport au niveau de 1990, Obama 80% (la France vise environ 75%, c'est le fameux "Facteur 4").
De manière générale, McCain détaille assez précisément l'organisation du mécanisme alors qu'Obama reste plus évasif - à la limite même de l'amateurisme sur la présentation de son "cap-and-trade".

Enfin, notons pour l'anecdote une divergence sur les transports : Barack Obama se fait le héraut des transports en commun alors que McCain n'en dit mot. Mais puisque tout le monde s'en fiche aux USA, le sujet n'a aucune espèce d'importance pour les médias.

De nombreux points d'accord

Derrière ces désaccords se cachent de nombreuses similitudes ; ainsi les deux candidats envisagent de consacrer tout ou partie des ressources générées par le marché de quotas à un investissement de masse dans les énergies renouvelables. McCain promet 2 milliards de dollars par an pour développer le "charbon propre", des allègement de charges de 10% sur les emplois liés à la recherche en énergies renouvelables et des allègements d'impôts pour l'éolien, l'hydraulique et le solaire. Obama réplique en imposant 10% de renouvelables dans l'électricité en 2012 (actuellement 7%) et 25% en 2025 ; en France, notre objectif est de 10% en 2010. Il ajoute également une extension pour 5 ans des allègements d'impôts pour les énergies renouvelables et, lui aussi, un volet "charbon propre" (stockage du CO2 dans les puits pétroliers) : en tout, 15 milliards de dollars par an. Signalons que les deux ne font aucun cas de l'énergie géothermale

Tous deux souhaitent investir dans des Smart Grids, une technologie permettant de rendre les réseaux de distribution d'électricité "intelligents", ce qui diminue les pertes, évite les blackouts, réduit la charge en heures de pointe et permet d'intégrer plus d'énergies renouvelables. C'est un point fondamental dans la politique d'aide aux énergies renouvelables, et la France est très en retard dans ce domaine.

McCain et Obama mettent l'accent sur l'automobile : 300 millions de dollars investis pour développer de nouvelles batteries, accélération du développement des véhicules flex-fuels (véhicules pouvant utiliser de grandes quantités de biotéhanol), développement de la filière biocarburants, pénalités plus sévères pour les constructeurs ne respectant pas les standards de consommation et $5000 d'allègement d'impôts pour l'achat d'un véhicule propre : ça, c'est pour McCain. Obama fait monter les enchères presque point par point : 4 milliards de $ pour aider les constructeurs automobiles à se restructurer, 1 million d'hybrides rechargeables d'ici 2015, obligation pour tous les véhicules neufs d'être flex-fuel, développement des biocarburants de 2e génération, amélioration des standards de consommation de 4% par an, et $7000 de crédit d'impôt pour l'achat d'un véhicule propre. S'il n'a pas encore gagné la bataille électorale, Obama a clairement gagné celle des chiffres.

Sur le nucléaire, McCain souhaite la construction de 45 nouvelles centrales d'ici 2030 ; Obama ne donne pas de chiffres et se montre plus méfiant sur le problème des déchets, sans remettre en cause l'intérêt de la filière.

Obama réserve plus d'importance à l'efficacité énergétique que McCain. Ce dernier se borne à souhaiter une rénovation des bâtiments publics, alors que le premier fixe une série d'objectifs ambitieux en maîtrise de la demande d'électricité, standards de consommation pour les bâtiments et l'électroménager (tout les bâtiments neufs devront être à énergie positive d'ici 2030), rénovation des maisons et des bâtiments publics. Il faut dire que l'administration américaine est le premier consommateur d'électricité au monde !

Enfin si les deux candidats mettent l'accent sur la création de nouveaux emplois, c'est encore une fois Obama qui prend l'avantage : il annonce clairement la création de 5 millions d'emplois non délocalisables grâce à un investissement total de 150 milliards de dollars en 10 ans. Il prévoit aussi d'intéressants programmes de formation de main-d'oeuvre, en particulier les vétérans et les jeunes : exactement ce qu'il nous manque en France.

Une différence fondamentale de philosophie

Techniquement, à part les quelques points cités plus haut et presque négligeables au regard de la multitude d'actions à entreprendre, les deux programmes sont faits du même bois. Pourtant j'y vois, en creux, une double-différence qui tient plus à la philosophie sous-jacente qu'aux collections de mesures proposées.

Premièrement, si j'ai relativement confiance dans la sincérité des propos d'Obama - ses votes au Sénat attestant de l'authenticité de ses convictions environnementales - je ne crois pas une seule seconde à celle de McCain. Une quinzaine de ses conseillers et leveurs de fond - dont le sulfureux Randy Scheunemann - sont ou ont été liés, de près ou de loin, à ce qu'on appelle ici "Big Oil" (l'industrie du pétrole) dont McCain a reçu un demi-million de dollars de dons rien qu'en 2008. Plus grave, comme l'explique cet article du New York Times, alors que son plan de soutien aux énergies renouvelables était déjà lancé, McCain n'a pas voté en juin dernier - pour la huitième fois consécutive - la loi qui permettrait de reconduire sur un an les crédits d'impôts.

McCain a pu faire illusion sur son côté écolo, mais depuis qu'il a récupéré son illuminée de bigote, sa campagne est redevenue une campagne républicaine classique à la botte de "Big Oil". Son double-langage est d'un cynisme alarmant et il ne fait (presque) rien pour s'en cacher. En témoigne cette publicité à l'attention des électeurs du Michigan (état concentrant de nombreuses usines automobiles) où il explique qu'il faut autoriser les forages offshore pour faire baisser le prix de l'essence afin d'augmenter les ventes de trucks, ces pick-ups gros comme des chars Leclerc et qui polluent comme 10 Trabant.



La seconde différence est moins explicite et se livre moins facilement à l'analyse. Elle tient à la vision du rôle de l'état par chacun des candidats. McCain se veut "dérégulateur" et son programme est bâti en conséquence, sobre, évitant autant que possible les mesures de régulation directe et utilisant plus volontiers les mécanismes de marché et de réduction d'impôts. Obama, à l'opposé, accumule les interventions de l'état et les mesures en tous genres, convaincu que le marché a besoin d'être régulé pour bien fonctionner.

McCain fait clairement confiance à l'initiative privée pour faire éclore de nouvelles technologies, et son programme s'attache à articuler recherche et commercialisation ; en bref, McCain est un partisan du technology-push. Obama vise plutôt le demand-pull ("tirer la demande") par les multiples subventions qu'il propose.

Le débat entre intervention et laisser-faire est vieux comme Hérode et particulièrement prégnant aux Etats-Unis ; je suis pour ma part convaincu que puisque la plupart des problèmes d'environnement sont dus à des échecs du marché (des externalités, en langage économique), le marché est par définition incapable d'y apporter seul une réponse : laissez faire le marché, et la situation ne fera qu'empirer.

Des stratégies incomplètes et contradictoires

En conclusion, je me garderai bien de donner un bon point à Obama et un mauvais à McCain. C'est clairement le projet d'Obama que je préfère, mais plus par défaut que par adhésion. Les deux programmes m'apparaissent au mieux insuffisants, au pire inefficaces et contradictoire - certes à des degrés divers.

Les deux candidats ont rapidement trouvé un bouc-émissaire responsable des cours élevés du pétrole : les spéculateurs, dont l'action sur les marchés "à terme" entraîneraient une inflation des prix sur les marchés "spot" (marchés en temps réel). Cette vision est largement battue en brèche par The Economist, qui affirme que les spéculateurs n'ont pas d'influence sur les cours spot. En effet ces derniers échangent des contrats et non des barils, et ils ne font qu'un pari sur l'évolution des cours. Ces paris "n'ont pas plus d'influence sur le prix du pétrole qu'un pari sportif n'a d'influence sur le résultat du match". Au final, promettre une baisse des cours en encadrant les marchés à terme relève de la duperie, selon l'article en question.

Il est également frappant de voir à quel point les deux plans poursuivent des objectifs en apparence inconciliable. D'un côté, l'indépendance énergétique dicte la nécessité de toujours plus de forages et de production domestique. De l'autre, la contrainte environnementale impose une réduction des émissions de gaz à effet de serre. On peut douter de la cohérence de ces deux projets.
"Nos enfants vont nous en vouloir un jour. Nous vivons à crédit et hypotéquons leur avenir. Nous avons rejeté tant de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, pour la croissance de notre propre génération, que nos enfants vont probablement passer une bonne partie de leur vie d'adulte à gérer les conséquences climatiques de notre inconséquence. Et maintenant, voilà que nos leaders leur disent que la solution se trouve dans les forages offshore, pour toujours plus d'énergies fossiles à impact climatique.

Folie. Pure folie."
Le propos est de Thomas Friedman dans le New York Times. L'Amérique ne peut pas continuer à vouloir toujours plus de ce qui lui fait tant de mal : le meilleur moyen d'aider un toxicomane à se passer de sa drogue n'est pas de lui fournir un petit fix occasionel (réserve stratégique ou forage offshore), mais bien de l'obliger à poursuivre imperturbablement son sevrage. A ce titre, on peut regretter l'affligeant spectacle offert par la convention républicaine où durant le speech de Giuliani le public est parti en transe, hurlant convulsivement un triste "drill, baby drill !" (fore, chérie fore !) qui me désole autant qu'une bande de jeunes des banlieues criant "nique la police"...



Prodigieuses politiques, donc, grâce auxquelles la société paiera deux fois pour un résultat incertain : une fois à l'aller, pour développer de nouveaux forages qui ne commenceront à produire que dans une décennie, envoyant totalement à contre-temps un témoignage fort de l'addiction de l'Amérique au pétrole ; et une fois au retour, pour assurer une transition à des énergies renouvelables dont l'addition s'alourdit à mesure qu'on la retarde. Admirons sincèrement les deux : à courir sans relâche après deux buts antithétiques, on n'arrive jamais nulle part.

Par conséquent, le gros défaut de ces politiques tient à leur manque de vision globale des phénomènes. Les deux candidats nous proposent un patchwork de mesures touchant à tout ce qu'il est possible de toucher (d'où les similitudes), chacun à sa manière. Aucun n'identifie vraiment les causes simples des maux qui accablent l'Amérique, même si le programme d'Obama, avec son volet environnemental, est un peu plus cohérent.
A long terme, nous savons que la quantité de pétrole que nous utilisons est directement liée à notre usage du territoire et à nos schémas de développement. Durant les 100 dernières années, nos communités ont été organisées autour du principe d'essence bon marché.
Il faut attendre le dernier paragraphe (!) du programme "énergie" d'Obama pour lire ces lignes ; j'ai tout de même frémi en les lisant, mais je suis tombé de haut en lisant la phrase suivante :
Barack Obama et Joe Biden sont convaincus qu'il faut consacrer suffisament de ressources à la réparation de nos routes et de nos ponts.
Le constat fondamental est relégué à la fin du document, et encore est-il suivi d'une déclaration curieusement de nature à renforcer ce triste constat. Voilà le noeud gordien du problème : tant que la cause des maux ne servira pas d'inspiration à l'élaboration d'un remède ; tant que, par manque de courage, par populisme ou par intérêt, on se refusera à dire la douloureuse vérité, les politiques n'auront pas l'efficacité qu'on attend d'elles. Pas plus les tricotages de mesures en tous sens d'Obama que les élucubrations de McCain.

dimanche 14 septembre 2008

Burn After Reading

Je reviens à l'instant du cinéma où j'ai vu le dernier délire cinématographique des frères Cohen : Burn After Reading (en salles en France le 10 décembre, le temps de faire le doublage qui massacrera soigneusement tout le film).

Un seul conseil : courez-y ! Le film est une accumulation de situation plus burlesques les unes que les autres, avec Brad Pitt et George Clooney campant des personnages délicieusement stupides et un John Malkovitch complètement déjanté. Le jeu d'acteurs est tout aussi fou que les scènes, et un lent crescendo traverse le film pour éclater en un gros craquage final comme seul les frères Cohen savent faire.

Une telle imagination merdogène, moi, ça me laisse rêveur...

mercredi 10 septembre 2008

Dimanche à Sonoma

Nous avons eu l'occasion de refaire les touristes dimanche en arpentant la Sonoma Valley, l'une des grandes régions viticoles de Californie que j'avais déjà visitée en novembre dernier.


Pas grand chose à redire depuis lors ; les vins toujours aussi disparates en qualité mais beaucoup moins en prix - ils sont tous chers, c'est pas compliqué. Il y a cependant une chose que je n'avais pas remarquée la dernière fois : le rapport à l'argent. Plutôt que d'expliquer comment est vendangé le raisin, comment est conduite la fermentation, comment se fait le vieillissement ou pourquoi certains vins sont plus taniques que d'autres, les guides préfèrent essayer d'épater leur auditoire en s'enthousiasmant devant tel système d'humidification de la cave aussi perfectionné qu'onéreux, en rappelant que le forage a coûté des millions ou en expliquant, pour l'un d'entre eux, que le plus beau jour de sa vie avait été prétexte à l'achat d'un Bordeaux "à 300 dollars" - il venait de gagner au Juste Prix.

Je me trompe peut-être, mais j'ai quand même l'impression que puisque le vin est un symbole de raffinement, il faut que ce soit cher, et puisqu'on est aux Etats-Unis, il faut en mettre plein les yeux - au chaland, au voisin, à n'importe-qui. Dans le genre, la Ledson winery se distingue particulièrement avec son château kitschissime (ci-dessous). Mais elle a aussi la particularité de faire du très bon vin, certes 4 fois plus cher qu'en France, mais très bon (faut-il rajouter aussi qu'ils sont plutôt généreux sur les dégustations ?)


Enfin je ne résiste pas au plaisir de vous livrer le "Top 3" des remarques stupides entendues en visitant les chais de Kunde qui sont creusés dans la roche - c'est assez rare pour être signalé. D'ailleurs admirez comme Damien avait besoin de se tenir aux tonneaux :


Number 3 : "Ah mais j'avais jamais goûté du raisin pour de vrai, et toi ?"

Number 2 : "C'est vraiment génial ce système de froid qui n'utilise pas de climatiseur !"

And the winner (raconté par le guide) : "C'est dingue, je savais pas qu'il fait plus froid quand on se rapproche du centre de la Terre !"

mardi 9 septembre 2008

Sights of San Francisco

Ca y est, San Francisco est redevenue une ville fréquentable en se débarrassant de l'épais manteau de brume qui lui sert de couverture estivale - exception faite de dimanche dernier, et ça donne ça :


La fin d'été est donc propice à la (re)découverte de San Francisco et de certains de ses quartiers dont je vous propose quelques clichés.

Les rues de Castro, le quartier gay de SF, se sont mises aux couleurs rainbow pour l'été et c'est un énorme étendard arc-en-ciel qui flotte en bas de Market St.


Des panneaux annoncent un peu partout la prochaine Folsom Street Fair. Quand on sait ce que c'est (CF mon article l'an dernier) le coup du petit coeur prête à sourire...


SF est aussi célèbre pour ses murals, grandes fresques peintes un peu partout sur les murs de la ville. Celle-ci a été prise du côté de Haight-Ashbury. Ma préférée se trouve dans SoMA et évoque la Statue de la Liberté et le poème d'Emma Lazarus qui y est gravé.


En revanche la ville ne brille pas pour la qualité de ses lignes électriques qui datent au moins de la ruée vers l'or et qui ont la fâcheuse particularité de défigurer les façades.


La construction de nouveaux buildings bat son plein, mais la Transamerica Pyramid demeure (plus pour longtemps ?) la plus haute tour de SF (260m) - et a l'avantage d'être furieusement antisismique.


Enfin je pense avoir trouvé la plus belle vue sur la ville à la jonction entre Market et Portola, sur les collines de Diamond Heights. Ca vaut bien un petit panorama :

jeudi 4 septembre 2008

Quelle écologie pour demain ?

Le commentaire de Louis-Marie (CF "Bonne pioche" ci-dessous) m'inspire quelques réflexions trop longues pour tenir dans un commentaire, et je préfère en faire un article.

La question est la suivante : en matière d'environnement, est-il plus efficace d'adopter une démarche pessimiste comme celle d'Yves Paccalet ou une démarche optimiste à l'américaine ?

Contrairement à beaucoup d'autres, je suis convaincu de la force et de l'utilité d'une vision pessmimiste de l'avenir. Si l'environnement s'est progressivement imposé depuis quelques années au centre de nos préoccupations, c'est précisément grâce à des personnes qui ont pris soin de présenter les problèmes de manière résolument pessimiste : on peut penser, chez nous, aux émissions de Nicolas Hulot ou de Yann Arthus-Bertrand. Il en a été de même aux Etats-Unis (qui dira que le film d'Al-Gore est un modèle d'optimisme ?)

L'alarmisme permet donc d'ouvrir les consciences et de sensibiliser de manière massive - modulo, bien-sûr, la cohorte de sceptiques irréductibles. Ce faisant, il pousse à l'action suivant la technique bien connue qui consiste à peindre le vice pour inciter à la vertu. J'ai clairement adopté ce point de vue dans mon rapport de stage l'an dernier (ce qui avait assez plu), en me basant notamment sur un livre de Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, assez court et très bien fait. Il définit sa doctrine ainsi : "obtenir une image suffisamment catastrophiste de l’avenir pour être repoussante et suffisamment crédible pour déclencher les actions qui empêcheraient sa réalisation, à un accident près".

Le catastrophisme, tout négatif qu'il soit, incite donc à l'action. C'est là qu'un second message doit servir de relais, celui-là positif, pour passer de l'austérité de la "catastrophe imminente" à l'énergie du "we can solve it". La France pêche un peu sur ce sujet, les Etats-Unis le font trop bien.
Je dis trop bien, car l'écologie américaine, pour active qu'elle soit, m'apparaît être une écologie de la bonne conscience avec des actions sans commune mesure avec la réalité des problèmes. En d'autres termes, la mode omniprésente du "go green", qui se décline en achat d'ampoules fluorescentes ou de voitures hybrides, a tendance à éclipser les mises en garde catastrophistes et à faire oublier la gravité des faits. Les conférences que j'ai eues sur le sujet à Stanford m'ont toutes frappé par leur angélisme béat. Quand on en arrive à entendre que devenir "sustainable" consiste simplement à mettre un panneau solaire sur son toit, on se dit qu'un bout du message a été oublié en cours de route. Pour reprendre le commentaire de Louis-Marie, faire le tri sélectif c'est bien, mais ça ne fait pas de quelqu'un un champion de l'écologie. Ca devrait même être banal.

Ainsi je pense que les défis liés à l'environnement requièrent une double communication : d'un côté un message fortement négatif et menaçant, comme le fait Paccalet, de l'autre un message positif, décomplexé et joyeux à l'américaine pour assurer le passage à l'acte. Un savant équilibre entre les deux permet de s'assurer que la finalité de la démarche écologique n'est pas oubliée (comme aux Etats-Unis), mais que la gravité des problèmes ne devient pas culpabilisante au point d'annihiler toute action (ce qui est un peu trop le cas en France). Je force volontairement le trait entre les deux pays, mais l'idée est là.

Quant aux critiques qui accompagnent souvent les messages alarmistes, je pense que le monopole de la conscience environnementale ne revient pas à une poignée d'écologistes radicaux qui s'abstiendraient de toute pollution et vivraient de ce fait à l'âge des cavernes. Il est possible d'être tout à la fois membre et critique d'un système : ainsi on peut très bien avoir autre chose qu'un simple vélo dans son garage et regretter l'inflation inquiétante du parc automobile français (en 10 ans, on est passé d'une voiture pour 3 à une pour 2).

Pour être efficaces, les critiques ne doivent pas tant porter sur la nature de la consommation (ampoule à incandescence vs. fluorescente) que sur les raisons de cette consommation. Quand Paris Hilton nous dit que les voitures hybrides sont la solution aux problèmes énergétiques, elle montre qu'elle n'a rien compris à ces problèmes ! Ainsi lorsque certains groupes de personnes sont pointés du doigt, c'est moins pour les culpabiliser que pour essayer de les amener à se poser les bonnes questions sur la nature et les raisons de leurs activités. C'est exactement le discours que tient Paccalet et c'est la seule démarche susceptible d'aboutir à des solutions raisonnables. Les Etats-Unis ne le font pas assez et j'ai bien peur que la France ne s'engage sur la même voie... (histoire de terminer sur une note pessimiste !)