Le commentaire de Louis-Marie (CF "Bonne pioche" ci-dessous) m'inspire quelques réflexions trop longues pour tenir dans un commentaire, et je préfère en faire un article.
La question est la suivante : en matière d'environnement, est-il plus efficace d'adopter une démarche pessimiste comme celle d'Yves Paccalet ou une démarche optimiste à l'américaine ?
Contrairement à beaucoup d'autres, je suis convaincu de la force et de l'utilité d'une vision pessmimiste de l'avenir. Si l'environnement s'est progressivement imposé depuis quelques années au centre de nos préoccupations, c'est précisément grâce à des personnes qui ont pris soin de présenter les problèmes de manière résolument pessimiste : on peut penser, chez nous, aux émissions de Nicolas Hulot ou de Yann Arthus-Bertrand. Il en a été de même aux Etats-Unis (qui dira que le film d'Al-Gore est un modèle d'optimisme ?)
L'alarmisme permet donc d'ouvrir les consciences et de sensibiliser de manière massive - modulo, bien-sûr, la cohorte de sceptiques irréductibles. Ce faisant, il pousse à l'action suivant la technique bien connue qui consiste à peindre le vice pour inciter à la vertu. J'ai clairement adopté ce point de vue dans mon rapport de stage l'an dernier (ce qui avait assez plu), en me basant notamment sur un livre de Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, assez court et très bien fait. Il définit sa doctrine ainsi : "obtenir une image suffisamment catastrophiste de l’avenir pour être repoussante et suffisamment crédible pour déclencher les actions qui empêcheraient sa réalisation, à un accident près".
Le catastrophisme, tout négatif qu'il soit, incite donc à l'action. C'est là qu'un second message doit servir de relais, celui-là positif, pour passer de l'austérité de la "catastrophe imminente" à l'énergie du "we can solve it". La France pêche un peu sur ce sujet, les Etats-Unis le font trop bien.
Je dis trop bien, car l'écologie américaine, pour active qu'elle soit, m'apparaît être une écologie de la bonne conscience avec des actions sans commune mesure avec la réalité des problèmes. En d'autres termes, la mode omniprésente du "go green", qui se décline en achat d'ampoules fluorescentes ou de voitures hybrides, a tendance à éclipser les mises en garde catastrophistes et à faire oublier la gravité des faits. Les conférences que j'ai eues sur le sujet à Stanford m'ont toutes frappé par leur angélisme béat. Quand on en arrive à entendre que devenir "sustainable" consiste simplement à mettre un panneau solaire sur son toit, on se dit qu'un bout du message a été oublié en cours de route. Pour reprendre le commentaire de Louis-Marie, faire le tri sélectif c'est bien, mais ça ne fait pas de quelqu'un un champion de l'écologie. Ca devrait même être banal.
Ainsi je pense que les défis liés à l'environnement requièrent une double communication : d'un côté un message fortement négatif et menaçant, comme le fait Paccalet, de l'autre un message positif, décomplexé et joyeux à l'américaine pour assurer le passage à l'acte. Un savant équilibre entre les deux permet de s'assurer que la finalité de la démarche écologique n'est pas oubliée (comme aux Etats-Unis), mais que la gravité des problèmes ne devient pas culpabilisante au point d'annihiler toute action (ce qui est un peu trop le cas en France). Je force volontairement le trait entre les deux pays, mais l'idée est là.
Quant aux critiques qui accompagnent souvent les messages alarmistes, je pense que le monopole de la conscience environnementale ne revient pas à une poignée d'écologistes radicaux qui s'abstiendraient de toute pollution et vivraient de ce fait à l'âge des cavernes. Il est possible d'être tout à la fois membre et critique d'un système : ainsi on peut très bien avoir autre chose qu'un simple vélo dans son garage et regretter l'inflation inquiétante du parc automobile français (en 10 ans, on est passé d'une voiture pour 3 à une pour 2).
Pour être efficaces, les critiques ne doivent pas tant porter sur la nature de la consommation (ampoule à incandescence vs. fluorescente) que sur les raisons de cette consommation. Quand Paris Hilton nous dit que les voitures hybrides sont la solution aux problèmes énergétiques, elle montre qu'elle n'a rien compris à ces problèmes ! Ainsi lorsque certains groupes de personnes sont pointés du doigt, c'est moins pour les culpabiliser que pour essayer de les amener à se poser les bonnes questions sur la nature et les raisons de leurs activités. C'est exactement le discours que tient Paccalet et c'est la seule démarche susceptible d'aboutir à des solutions raisonnables. Les Etats-Unis ne le font pas assez et j'ai bien peur que la France ne s'engage sur la même voie... (histoire de terminer sur une note pessimiste !)
jeudi 4 septembre 2008
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11 commentaires:
Je rejoins Louis Marie dans la mesure où les articles postés par Peccalet ne dépassent pas le stade du catastrophime. Je te rejoins aussi quand tu dis que le catastrophisme est nécessaire à la prise de conscience, mais pas suffisant. Quand tu regardes les émissions de Yann Arthus Bertrand et de Nicolas Hulot, c'est très bon pour te faire réaliser que si rien n'est fait on peut craindre le pire. Puis l'émission s'arrête, une page de pub et retrouvez tout de suite l'Ile de la tentation, préseté par Céline Géraud. Cet aspect catastrophiste est complètement inefficient s'il n'est pas accompagné d'une démarche un peu plus pédagogique sur les attitudes à avoir, les comportements à tenir. C'est, je pense, ce que Louis Marie a voulu dire en critiquant le pessimisme permanent chez Peccalet. En gros, "la critique est facile, mais l'art difficile" (l'adage colle pas complètement, mais on me comprendra). Et au final, pour mettre tout le monde d'accord, je pense qu'on s rejoint tous sur le concept du catastrophisme éclairé...
"Cet aspect catastrophiste est complètement inefficient s'il n'est pas accompagné d'une démarche un peu plus pédagogique sur les attitudes à avoir, les comportements à tenir."
C'est un peu ce que je dis, non ? Après, ça n'est pas forcément aux mêmes personnes de tenir les deux discours. Ce qui justifie une position 100% catastrophiste, laquelle n'est efficace que s'il se trouve d'autres personnes pour la relayer.
Attention de ne pas extrapoler ce qu'on voit et entend en Californie aux Américains en général. La "sensibilité écologique" à SF est très supérieure à la valeur moyenne des USA.
C'est vrai, merci pour la précision. En remplaçant "Etats-Unis" par "Californie" ça devrait être plus exact.
Oui c'est ce que tu dis, mais à la différence que je ne vois pas en quoi ça serait pas aux mêmes personnes de tenir ce discours. Le télespectateur de base de TF1 va voir son émission avec Nicolas Hulot, il va se dire "mon dieu c'est grave" et puis basta. Le catastrophisme éclairé comme tu dis marche si la personne fait l'effort de trouver un moyen de corriger son attitude. Si cette démarche n'est pas effectuée, alors on reste au stade du catastrophisme pur. C'est pourquoi je rejoins Louis-Marie dans la mesure où la démarche de Peccalet me semble partiellement inefficace puisqu'elle n'aboutit pas à des propositions concrètes.
Ca me rappelle ton excellente critique sur wall-e. j'ai ete le voir grace a toi et j'en suis bien content, j'ai adore
Content que ça t'aie plu !
Je repasse sur ton blog entre deux métros, histoire de voir si il y avait pas un petit commentaire-réponse de ta part à celui que j'ai laissé sur ton précédent article... Je vois que tu as fait mieux que ça, un vrai article-réponse!
Je comprends du coup ta position sur le catastrophisme, efficace si elle n'est pas toute seule. Ta conclusion semble indiquer qu'un rapprochement France/US serait souhaitable pour qu'on se comprenne mieux, et qu'on obtienne ainsi une réaction plus complète et plus efficace de la part de tout le monde, ça tombe bien on a un président qui s'y emploie! Une chance, non?
Eh ben on est pas dans la m****... :)
Je suis en tous points (ou presque) d'accord avec vous. Un point de "vocabulaire" que je voudrais nuancer: Vous parlez du "pessimisme" de certains écolos européens, je pense au contraire qu'ils ont décidé d'être optimistes (j'en veux pour preuve qu'ils ont des enfans et qu'ils ne se (petit) suicident pas...) Le mot qui décrirait mieux leur état d'ésprit me semble être "lassitude". Depuis le début des années 70 des gens sérieux nous disent sur le Titanic, et nos politiques sont en figure de proue en criant "je suis le roi du monde". plus de 30 ans à dire et redire que l'iceberg fond (ben oui, comparaison n'est pas raison!!) il y a de quoi être las... et de quoi décider encore plus d'être optimiste!?
Nuance approuvée ! La lassitude me semble aussi être un sentiment prévalant par chez nous...
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