La société américaine est un véritable assemblage de contraires parfois irrationnel. Il en va ainsi de la sécurité des personnes.
Nulle part ailleurs qu'aux Etats-Unis ne peut-on trouver de tels délires sécuritaires. Le moindre sens interdit est indiqué avec force panneaux "WRONG WAY", "DO NOT ENTER". La moindre marche est annoncée par un énorme "WATCH YOUR STEP". La moindre porte à ouverture automatique aura été victime d'un blitz d'autocollants vous disant de faire attention. Les règles de sécurité et toutes les injonctions possibles et imaginables à bord d'un train sont placardées partout, en énorme, impossible de les rater. Et avisez-vous de faire le con, juste pour voir, et vous vous retrouverez rapidement en face des cops qui sont sensiblement moins aimables que leurs homologues français - et je m'y connais en cops français. En bref la quête de sécurité, obsessionnelle et maladive, justifie une politique d'avilissement permanent menée à grands renforts de panneaux en tous genres - et de cow-boys pour les faire respecter.
Ce qui est intéressant, c'est de voir l'inversion des valeurs qui se produit quand on passe à des risques autrement plus élevés que celui de se prendre une porte ou de rater une marche. Illustration avec la gestion des pollutions industrielles, ahurissante et surréaliste.
Il existe aux Etats-Unis une agence publique chargée des questions d'environnement, l'EPA. Pour tester la nocivité d'un produit, elle demande à la firme qui rejette ce produit de montrer qu'il n'est pas cancérigène et qu'il ne provoque pas de fausses-couches. C'est tout. Du coup il y a énormément de problèmes causés par des neurotoxiques comme le plomb, les pesticides, l'arsenic, le chrome... qui provoquent chez les enfants des cas d'autisme, de baisse de QI, de perte de capacités cognitives, d'agressivité etc... Dans la même veine on ne compte plus les cas de perturbations endocrines dûes à des analogues d'hormones déversés dans la nature. Mais au moins tout ça n'est pas cancérigène et ne provoque pas de fausses-couches.
Et l'EPA dans tout ça ? Primo, les enquêtes de toxicité ne sont pas de son ressort, c'est à la firme polluante de les mener et de présenter les résultats. Secundo, elle n'a pas le droit de demander à une compagnie des données sur un produit tant qu'aucune preuve de toxicité de ce produit n'a été établie ; et réciproquement, pour prouver la toxicité, il peut parfois être utile de disposer de données. Résultat : on tourne en rond. Tertio : une compagnie incriminée ne peut être forcée à fournir des données sur un produit qui relève du secret industriel !
Bilan des courses : il est extrêmement rare qu'une firme soit poursuivie pour pollution, sous couvert d'incertitude scientifique. La réponse est toujours la même : "non ce produit n'est pas toxique, aucune preuve ne vous permet de l'affirmer" ; preuve que seule la boîte en question est en mesure de fournir...
Il faut savoir aussi que l'industrie chimique subventionne largement les campagnes présidentielles des deux partis, et que l'EPA est à la botte du pouvoir politique. Ceci explique cela.
Deuxième cas : l'exploitation de gaz naturel par fragmentation de roches, technique consistant à injecter du fluide sous pression pour fissurer le sous-sol et récupérer le gaz. Parmi lesdits fluides, on trouve du benzène, du toluène, du xylène, du butoxyethanol et plein d'autres saloperies qui lorsqu'elles passent dans les nappes phréatiques causent notamment des tumeurs sur les glandes surrénales (secrétant l'adrénaline).
Là encore, que fait l'EPA ? Depuis 1972, existe le "Clean Water Act" censé assurer la qualité de l'eau. Mais l'injection souterraine de fluides n'étant pas considérée comme le but premier de la fragmentation de roches, les fluides injectés échappent à cette législation ! Et quand des rapports sont demandés à l'EPA, les pages les plus compromettantes disparaissent mystérieusement entre la version provisoire et le rapport définitif...
Ce qu'il faut aussi savoir, c'est qu'Halliburton, la compagnie de Dick Cheney, gagne des millions chaque année grâce à cette technique de fragmentation. Et que certaines personnes à l'EPA se plaignent de l'excessive pression politique.
En France, on est stupéfaits quand éclate un scandale comme celui de l'amiante ou plus récemment l'affaire Gautier-Sauvagnac. Aux Etats-Unis, ça se fait au nez et à la barbe de tout le monde, et tout se passe très bien...
mercredi 10 octobre 2007
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