mardi 31 mars 2009

Voyage en pays guerrillero

La Colombie, un nom qui sent le soufre, la coke et la guerrilla. Mais pour les non-initiés seulement (du moins si l'on s'en tient aux coins fréquentables). Car au risque de décevoir ceux qui me voyaient déjà marcher sur les traces d'Ingrid, il ne m'est rien arrivé de tout cela !

Ça partait pourtant bien : suivant à la lettre la rubrique "conseils aux voyageurs" du site de l'ambassade, je choisis de voyager de nuit depuis la frontière pour atteindre Popayan, ma première destination. Le (mini)bus part sous une pluie battante et s'arrête à un poste militaire au milieu de nulle part vers 22h. L'ambiance est irréelle : il ne pleut plus mais des orages nous entourent et le ciel flashe continuellement, l'électricité est coupée toutes les 20 minutes. Vers minuit nous sommes toujours arrêtés, alors je commence à râler auprès du chauffeur qui m'explique : il y a un peu de grabuge sur la route, donc nous attendons une escorte militaire qui nous accompagnera jusqu'à Popayan. L'armée est sur les dents : les FARC fêtent dignement la mort de Manuel Marulanda, leur leader historique, il y a tout juste un an ; le matin même, à quelques heures au nord sur la même route, ils ont incendié 7 camions (entre autres attentats)... Ambiance ! Enfin l'escorte arrive et la quinzaine de bus qui attendait part en convoi. On se croirait dans un film, mais il ne se passera rien... D'ailleurs l'escorte des convois est systématique, ça n'était pas que ce jour-là.

Le lendemain je déchante vite en visitant Popayan : encore un de ces délires du Lonely Planet qui y voit "l'une des plus belles villes de Colombie", alors que pour ma part je trouve à peine agréables ces rues toutes identiques bordées de maisons toutes blanches. L'après-midi même je pars donc pour San Agustín, une ville perdue dans les montagnes à 7h de route de là. Nouveau trajet de nuit avec arrivée à 2h, le plus épouvantable de tout mon voyage dans un bus à bout de souffle (2 pannes et une crevaison...) à rebondir sur mon siège à cause d'une piste infecte, complètement défoncée. Passons.


En planifiant mon voyage, San Agustín est le premier lieu que j'avais "spotté", intrigué que j'étais par les étranges statues qui ornent les monuments funéraires d'une société ayant jadis vécu là, de -1000 à un peu avant la conquête espagnole. Les sites étant dispersés un peu partout, je renoue donc avec mon - lointain - passé de cavalier en louant un cheval, ou plutôt un mauvais bourrin un peu con. Matinée agréable à chevaucher de site en site au milieu de paysages magnifiques. Malheureusement les nuages pourrissent un peu les photos, mais je vous laisse juger par vous-mêmes.


Une petite photo de la bête :


Encore une fois la guerrilla n'est pas loin, puisqu'à vol d'oiseau nous sommes à moins de 50km de Florencia, tout près de là où Betancourt s'est faite rapter. Mais un vieux rencontré sur le chemin, à qui je tape la discute un moment, m'assure qu'il n'y a aucun problème dans cette zone relativement touristique.

Le parc archéologique complète cette courte visite de la région qui aurait nécessité au moins 3 jours pour bien découvrir. Mais manquant de temps et d'argent (je n'ai pas changé assez à la frontière, et il n'y a pas de bureau de change à San Agustín) je dois repartir, direction Bogota.


Mais j'ai eu la chance d'être là le jour des élections municipales, l'occasion de mesurer à quel point les colombiens vivent passionément. Toute la journée s'apparente à une immense kermesse, et à l'annonce des résultats des scènes de liesse dignes d'une victoire au mondial de foot apparaissent dans les rues, tandis que les partisans des perdants sont en larmes. Une belle introduction à ce pays où la vie sociale est au centre de la vie tout court.

lundi 30 mars 2009

La tête à l'endroit

Ça y est, je suis repassé du côté de ceux qui ont la tête en haut. Une petite visite à la "mitad del mundo" s'imposait (heureusement que je n'y étais pas seul, car on s'y fait c**** ferme). Voici donc votre serviteur sur la ligne, qui d'ailleurs n'est pas exactement au bon endroit puisque ce blaireau de La Condamine, malgré tous ses instruments, n'a pas été capable de la placer avec autant de précision que les incas qui ne connaissaient même pas l'écriture...

Je reviendrai en Équateur...

Le temps passe et histoire que mon blog ne reste pas bloqué au Pérou à mon arrivée en France, voici un petit résumé très factuel de mes quelques jours passés en Équateur.

On commence avec Cuenca, très jolie ville andine au sud du pays où j'ai passé 2 jours avec Nicola, l'allemande rencontrée à Huanchaco. Le contraste entre l'Équateur et les autres pays que j'ai pour l'instant visités m'a assez frappé : les rues ne sont pas aussi vivantes qu'ailleurs (particulièrement le soir, où on croirait être dans le XVIe à 2h du mat), les transports ne sont pas aussi anarchiques (on klaxonne moins, le bus ne nous dépose pas où ça nous arrange, il y a des machines pour payer...), les marchés sont modernes et salubres, bref on sent qu'on arrive dans un pays plus développé.


Cuenca est la capitale du panama, pas le pays mais le chapeau de palme tressée - celui d'Al Capone, de Roosevelt ou autres personnalités. J'en ai acheté 2 à Alberto Pulla, un vieux monsier presque muet qui est l'un des derniers à en fabriquer (Catherine Deneuve et Alain Delon comptent parmi ses clients). Malheureusement on me les a piqués en arrivant en Colombie...


A Cuenca il y a aussi un très bel orchidarium avec plus de 400 variétés dont certaines n'existent que dans les Andes (spéciale dédicace à un prof de maths qui se reconnaitra). Ci-dessous la "Dracula", en forme de tete de singe.


Étape suivante : Riobamba, un peu plus au nord. C'est là qu'on peut trouver des guides pour grimper le Chimborazo, le plus haut volcan du pays (environ 6300m) et le point le plus éloigné du centre de la Terre. Manque de bol j'arrive un dimanche et tout est fermé : je passe la journée dans cette ville totalement morte, mais néanmoins jolie. Et le lundi, voyant que les prix sont tout aussi moches que la météo, je mets directement le cap sur Quito.


En arrivant dans la capitale de l'Équateur sous un temps de chiotte, je me suis juré de repartir le lendemain pour profiter du soleil en Colombie. J'ai abandonné l'idée d'aller à la Laguna de Quilotoa, une belle balade de 2-3 jours, mais à 3800m d'altitude donc dans les nuages. Le trek dans la jungle a lui aussi été rangé au placard : il pleut beaucoup, je n'ai pas beaucoup de temps et les caisses sont bientôt vides, donc on verra une autre fois.

Finalement je suis resté presque une semaine à Quito malgré une météo pas très clémente (pluie tous les jours à partir de 14h, parfois plus tôt). J'avais trouvé un hotel très sympa, bien situé, avec une belle vue (photo suivante) et pas cher, et me suis fait une bande de potes avec qui on a bien déconné. J'ai reporté mon départ de jour en jour, mais j'ai réussi à décoller ; cependant j'y serais encore si j'avais eu plus de temps.


La ville est très jolie et agréable - du moins le centre historique, car le quartier moderne qui pue le fric, le Mariscal, est à vomir ; et hors de question de s'y promener le soir, donc raison de plus pour ne pas y aller. Beaucoup de monuments et de musées à visiter : j'ai été subjugué par le musée Guayasamin (un des plus grands peintres du pays) et par la Capilla del Hombre, son monument dédié à l'Amérique Latine. On retrouve dans son oeuvre les influences de Picasso et Modigliani ; ci-dessous sa série "la edad de la ira" (l'âge de la colère). J'ai aussi beaucoup aimé le musée Camilo Egas, un autre peintre du XXe que je ne connaissais pas. Enfin la banque centrale a eu la bonne idée de ne pas fondre en lingots tous ses objets en or et les expose dans un superbe musée, avec une éblouissante collection de poteries pré-colombiennes et de bonnes peintures. Bref, culturellement c'est le top.


Malheureusement j'ai laissé beaucoup de choses de côté dans ce pays fascinant par sa diversité concentrée sur un si petit territoire. C'est volontaire, car je manque de temps et je commence à avoir ma claque de la saison des pluies. Vous comprendrez donc aisément que je connais la destination de mon prochain voyage !

dimanche 22 mars 2009

Sur la route de l'Équateur...

20h de bus depuis Cusco m'ont amené à Lima, la capitale du Pérou, que j'ai eu envie de quitter aussitôt après y être arrivé : ville sale, polluée, surpeuplée, empêtrée dans ses déchets et dangereuse. Aussitôt dit, aussitôt fait, je rempile pour 8h direction Trujillo, ville coloniale au Nord près de la côte. Le contraste est grand après avoir passé quelques semaines dans les montagnes : la panaméricaine, qui après Lima longe la côte jusqu'à l'Équateur, traverse un désert de sable et de pierre.


De Trujillo je n'ai pas vu grand chose car j'ai opté pour Huanchaco, petit port de pêche et spot de surf à quelques kilomètres. J'aterris dans l'hotel tenu par une péruvienne et son mari anglais, genre David Carradine dans Kill Bill 2. Pendant une soirée hallucinante, blindé de coke, il va me raconter des histoires à dormir debout (il dit avoir été directeur européen de l'église de scientologie, puis chef de la mafia vénézuelienne, et j'en passe...). Je m'octroie un jour de vacances en arrivant : session de surf dantesque, et glande sur la plage à regarder les pêcheurs partir sur leurs caballitos, les embarcations typiques du coin qui leur permettent de passer les vagues et d'aller pêcher facilement.


Si je tenais à passer à Trujillo, c'est pour visiter les sites archéologiques d'une civilisation pré-colombienne, les Chimu, que j'avais étudiée dans le cours d'anthropologie que j'avais audité cet automne à Stanford. Entre 900 et 1200 grosso-modo, un léger réchauffement climatique (naturel, celui-là) a fortement bouleversé les équilibres environnementaux sur la planète. Peu de sociétés en ont bénéficié : l'Europe en fait partie - surplus agricoles aidant, on a commencé à pouvoir bâtir des cathédrales - ainsi que le Groënland où arriva Erik le Rouge, et dont les populations de Thulé ont établi contact avec les Inuits de l'Alaska. On pourrait ajouter les polynésiens, qui grâce à l'inversion des vents dominants ont pu naviguer jusqu'à Rapa Nui (l'Île de Pâques). Mais partout ailleurs ce fut une catastrophe : éclatement de sociétés sur la côte Ouest des actuels Etats-Unis ainsi qu'en Arizona et Nouveau-Mexique, disparition des Mayas, graves problèmes en Chine avec la perturbation du fleuve Huan He, perturbation des caravanes d'or et de sel au Sahara ; à la même époque Genghis Kahn et les mongols, chassés des steppes par la sécheresse, déferlaient sur l'actuelle Europe de l'Est. Dans un contexte éminemment difficile, les Chimu sont une des rares civilisations à avoir survécu grâce à leur génie en matière d'irrigation et de gestion des ressources en eau - avant de se faire conquérir par les Incas.

Petite déception en visitant leur cité d'adobe, néanmoins impressionnante et qui est la plus grande du monde - un carré de 7 km de côté. Encore une fois le guide n'est pas très performant et se contente de lieux communs pour touristes.


Tout près de là se trouvent les restes d'une société antérieure, les Moche (à prononcer à l'espagnole, bien qu'il est vrai qu'ils n'aient pas le physique très facile). La Huaca del Sol (pyramide du soleil) est fermée pour cause de fouilles, reste la Huaca de la Luna intéressante pour ses motifs polychromiques, chose très rare en Amérique du Sud. Il s'agit d'un empilement de 5 temples construits les uns sur les autres utilisés pour des offices religieux, sacrifices notamment. Mais le site est mal mis en valeur et ne m'enthousiasme pas - exception faite des poteries érotiques de la plus grande originalité...


La Huaca de la Luna :


La Huaca del Sol :


Après ces deux jours à Huanchaco, nouvelle journée de voyage à destination de Cuenca, en Équateur. Pour une fois je ne suis pas seul puisqu'une allemande qui était dans le même hotel fait le même trajet. La route jusqu'à la frontière longe encore la côte et traverse d'innombrables petits ports de pêches (plutôt des plages de pêche, d'ailleurs) qui sont autant de paradis perdus. Je suis bien content de ne pas être seul pour le passage de la frontière car le coin est un peu chaud. Huanquillas, la ville-frontière, sent la pauvreté et les rues chauffées à blanc exhalent une étrange alchimie de vapeurs de mauvaise essence et d'airs de cumbia.


Un nouveau bus nous amène à Cuenca en traversant des plantations de bananiers, mais la nuit tombe rapidement. Suite au prochain numéro.