Aujourd'hui les enfants un petit article sur ce sujet qui me concerne et qui demeure mal compris : celui des marchés de quotas. Ca me donne l'occasion de vous apprendre quelque-chose (j'espère) et de répondre aux quelques personnes qui ont pu me tenir ce genre de discours : "hors de question que moi, citoyen lambda, je fasse des efforts pour réduire mes émissions de carbone quand l'Etat accorde sa bénédiction aux entreprises qui n'ont qu'à lui acheter autant de permis de polluer qu'elles en ont besoin". Il y a une double-erreur dans cette phrase, et nous verrons pourquoi.
Mais commençons par le commencement. Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et ainsi lutter contre le réchauffement climatique, l'Etat dispose d'une panoplie d'outils fiscaux et réglementaires : taxe sur les émissions, subvention des technologies propres, taxe carbone, standards de qualité, quotas ou encore taxe sur les véhicules polluants / rabais sur les véhicules propres (feebate en anglais, comme celui qui vient d'être mis en place en France). Chacun de ces outils ne touche pas tous les acteurs de l'économie de la même manière : par exemple une taxe sur les émissions sera supportée par les entreprises alors qu'une subvention des technologies propres le sera par le contribuable, même si les deux outils conduisent in fine aux mêmes réductions d'émissions.
Rentrons dans le détail, et supposons que l'économie soit constituée de deux firmes, 1 et 2. En l'absence totale de régulations, chacune de ces deux firmes émet 10 unités de CO2. Supposons en outre que le coût de réduction des émissions soit de 1€ par unité de CO2 pour la firme 1 et de 2€ pour la firme 2 (remarque pour les puristes : hypothèse invraisemblable, le coût marginal de réduction des émissions doit évidemment être croissant pour qu'on arrive à un équilibre, mais passons...).
Supposons maintenant que l'Etat impose de manière rigide à nos deux firmes de réduire de 50% leurs émissions, pour que les émissions totales passent de 20 à 10. Dans ce cas la firme 1 devra payer 5€ (1€ par unité de CO2 fois une réduction de 5 unités), et la firme 2 devra payer 10€ : le coût total de cette réduction va être de 15€. Nous allons voir qu'il est possible d'atteindre le même objectif pour un coût total et un coût par entreprise inférieurs.
Première idée : l'Etat, s'il sait parfaitement ce qu'il coûte à 1 et 2 de réduire leurs émissions (1 et 2€ respectivement) et surtout s'il est parfaitement Jacobin, pourrait très bien demander à 1 de réduire ses émissions de 6,67 unités de CO2, et à 2 de les réduire de 3,33 unités. Dans ce cas chaque firme supportera le même coût (6,67€), le coût total sera de 13,3€ - donc moins que dans le cas précédent - et on aura bien réduit les émissions de 10 unités, ce qui était l'objectif.
Le problème c'est que dans la vraie vie, l'Etat est incapable de savoir le coût de réduction des émissions pour chaque entreprise : ce serait beaucoup trop compliqué, sans compter les problèmes de secrets industriels, etc... Mais on va voir que ce n'est pas grave, et qu'on peut faire encore mieux !
En effet, supposons que l'Etat fixe toujours un objectif de 50% de réduction des émissions, mais qu'il laisse les entreprises s'arranger entre elles pour se répartir la charge et atteindre l'objectif. Alors la firme 1, pour qui ça ne coûte pas trop cher de réduire ses émissions, va pouvoir aller au-delà de l'objectif de 50% et revendre les réductions supplémentaires à la firme 2 : par conséquent cette dernière n'aura pas besoin de réduire ses émissions de 50%, ce qui lui coûte très cher.
Par exemple, la firme 1 va réduire ses émissions de 5 unités (son propre objectif) + 2 unités qu'elle pourra revendre ; la firme 2 va les acheter et pourra se contenter de ne réduire ses émissions "que" de 3 unités. Au total on aura bien réduit les émissions de 10 unités. Mais quel est le prix de vente de ces quotas ?
Deux unités supplémentaires coûtent 2€ à la firme 1, mais la firme 2 économise 4€ en évitant de réduire ses émissions de 2 unités. Le prix de vente va se situer entre les deux, par exemple 3€ (1,5/unité). Faisons le bilan : la firme 1 a revendu 3€ des unités qui lui en ont coûté 2 : elle gagne 1€ dans l'affaire. De son côté la firme 2 a acheté pour 3€ deux unités de CO2 qui lui en auraient coûté 4 : elle économise 1€. Au total l'opération aura coûté 7-3=4€ pour la firme 1, et 6+3=9€ pour la firme 2, ce qui nous fait un bilan de 13€ - encore moins qu'avant !
Conclusion : les marchés d'échanges de quotas sont un outil puissant qui, grâce aux règles du marché, permettent de réduire le coût total (= imposé à la société) des réductions d'émissions de gaz à effet de serre. Les entreprises "propres", pour qui polluer moins ne coûte pas trop cher, peuvent retirer une manne financière de cet avantage ; en contrepartie les entreprises plus polluantes peuvent en profiter pour un coût inférieur à ce qu'il serait si l'échange n'était pas permis.
Malheureusement ces marchés de quotas sont trop souvent présentés par les médias comme un achat de "permis de polluer", ce qui est trompeur. Revenons à la double-erreur du début :
- on voit que l'Etat ne touche pas un centime dans l'histoire ; il se contente de définir l'objectif global de réductions des émissions (50% dans mon exemple) et de procéder à l'attribution initiale de quotas, et c'est tout !
- on voit surtout qu'une entreprise n'est pas libre d'acheter autant de permis qu'elle le veut, car la quantité globale est plafonnée ! C'est bien le but de cet outil qui a un nom plus équivoque en anglais, cap-and-trade : on commence par plafonner (cap) puis on échange (trade).
La prochaine fois nous verrons des exemples concrets d'utilisation de ces outils en Europe et aux Etats-Unis, et surtout les principaux problèmes rencontrés. D'ici là j'ai du boulot !
vendredi 18 janvier 2008
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4 commentaires:
ben moi,j'ai du boulot pour comprendre ce premier exposé...
bisou quand même.
Oh ben non, j'ai essayé de faire simple, un p'tit effort !
Bisous
Nous avons presque tout compris,et nous attendons avec grande impatience la suite de l'exposé....
Bravo pour ta démonstration,que proposes tu alors ?
Bisous
Je propose rien, j'explique juste comment ça marche ! Pour la suite, j'ai vraiment pas le temps en ce moment, peut-être en fin de semaine...
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