vendredi 20 mars 2009

Machu Pêchu

J'ai commencé à y croire samedi vers 1h du matin, quand en me réveillant j'ai vu qu'il ne pleuvait (toujours) pas. La veille, vendredi 13, avait été un échec cuisant : réveillé toutes les heures de 3h à 7h pour me rendre compte qu'il pleuvait chaque fois des cordes plus grosses que la fois précédente. La visite du musée du site, la lecture de l'excellent livre d'Hiram Bigham - l'historien de Yale découvreur du site en 1911 - et les eaux thermales, où ils avaient la bonne idée de passer Pink Floyd et Peter Tosh, suffiront à occuper ma journée. Ce samedi s'annonçait donc bien et j'allais pouvoir mettre mon plan à exécution : partir assez tôt pour monter au Machu Picchu à pied et arriver le premier sur le site.

Je décolle à 3h30 à la lueur de ma frontale et commence à longer le Río Urubamba dont le vacarme tranche avec la quiétude de la nuit. L'ambiance est magique : la Lune est presque encore pleine et la légère couche nuageuse en diffuse la lueur, coiffant le paysage d'une carapace nacrée. Le temps d'une pause petit-déj au pied du sentier, je me fais rejoindre par deux allemands qui ont eu la même idée et nous attaquons ensemble le sentier qui 400m plus haut mène à l'entrée du Machu Picchu.


Une heure et une bonne suée plus tard, nous arrivons à l'entrée bien avant l'ouverture. Sans grande surprise nous sommes les premiers, mais vite rejoints et bientôt c'est un groupe d'une bonne trentaine de backpackers qui patiente devant la grille dans une ambiance extra. Arriver tôt présente un double avantage : on peut profiter du site sans qu'il soit surpeuplé, et on est assuré de pouvoir grimper le Huayna Picchu, cette montagne pointue à laquelle seuls 400 chanceux ont accès chaque jour. En saison sèche, j'imagine la frustration des arrivants du premier car en découvrant qu'il y a déjà plus de 400 zouaves montés à pied faisant la queue devant l'entrée !

Enfin arrive 6h, les portes s'ouvrent et voilà ce que je découvre avec grand bonheur, dans la lumière encore pâle du petit matin :


L'espace de cinq minutes j'ai le Machu Picchu pour moi tout seul ! Image un peu irréelle, mais qui valait la peine de se lever si tôt. Quelques minutes plus tard, direction le Huayna Pichu pour une heure d'ascension au bout de laquelle une superbe vue sur le site nous attend. Quelques nuages commencent à monter de la vallée de l'Urubamba et enveloppent les ruines dans leurs volutes vaporeuses. La féerie est à son comble.

Mais once again pas de temps à perdre, c'est comme à Disneyland et la prochaine attraction se nomme Inti Punku, ou "Porte du Soleil" située complètement de l'autre côté et marquant l'arrivée de l'Inca Trail (randonnée de 4 jours qui mène au Machu Picchu et que je n'ai pas faite pour cause de saison des pluies).


Le ciel se couvre et il est temps de songer à la visite. Je me ruine en embauchant une guide pour moi tout seul, mais je serai vite déçu. La visite n'est clairement pas à la hauteur et la guide répond à côté de la plupart de mes questions. Depuis ce guide fantastique à Chichen Itza au Mexique cet été, je suis systématiquement déçu. Je n'apprends pas grand chose sur les ruines. Tout juste me rendrai-je compte que Bigham n'a pas bonne presse ici et qu'il est presque accusé d'être un pilleur plus qu'un découvreur ; au musée du site, son nom n'apparaît même pas dans la galerie des archéologues ayant significativement oeuvré pour le Machu Picchu.


Je laisse ceux qui sont intéressés aller voir ici pour savoir comment que c'est foutu. Juste pour vous donner une idée, le site se divise grosso-modo en quatre : la partie agricole faite de terrasses (divisée en partie haute et basse) ; et la partie urbaine (photo ci-dessus), avec en haut un secteur plus religieux et politique et en bas le secteur "industriel" des artisans. C'est une faille géologique qui marque la séparation entre partie agricole et partie urbaine. Le site devait être habité par environ mille personnes, ce qui est la limite de "soutenabilité" en termes de nourriture, d'eau et... de stabilité mécanique. Puisqu'à la haute saison 4500 personnes visitent le site chaque jour et qu'à chaque instant plus de 1000 visiteurs arpentent les ruines, celles-ci glissent d'un centimètre par mois et le pire est à craindre. De nouvelles mesures de restriction d'accès devraient bientôt être mises en place.

Visiter le Machu Picchu à la saison des pluies présente un inconvénient majeur que je vous laisse deviner. Mais il y a de multiples avantages : beaucoup moins de monde (3 fois moins qu'en saison sèche), moins chaud, végétation plus verte. Et comme l'herbe ça pousse il faut bien la couper ; je vous présente donc la tondeuse naturelle du Machu Picchu :

C'est en fait un gros truc à touristes car les lamas vivent plus haut et dans des climats plus froids, mais ceux-ci ont été acclimatés dès leur enfance. Et c'est toujours marrant d'en croiser au fil des marches.


Passée la visite, je n'allais pas manquer LA photo devant la carte postale :


Puis je revisite encore une fois ces ruines dont je ne me lasse pas. Il y a clairement quelque-chose de magique dans les Andes, et ce site en est l'un des joyaux. Outre le fait d'être l'une des plus belles choses qu'il m'ait été donné de voir, c'est certainement aussi l'une des plus énigmatiques. La bruine arrivant, les ruines s'emplissent de mystère à mesure qu'elles se vident de touristes et le mystère s'épaissit avec ces brumes qui viennent les draper de leur manteau humide et froid.





La pluie qui devient battante est l'occasion d'une discussion de salon entre francophones venus se réfugier sous un des rares toits reconstruits, un peu en contrehaut. Mais il faut se faire une raison : le soleil a définitivement abdiqué et il ne nous reste qu'à rentrer. Je ne sais pas quelle image garder de cette journée fantastique. Peut-être celle de ces ruines vides aux premières lueurs. Ou peut-être celle de ce lama noir (le lama sacré) se dressant au milieu de montagnes fumantes, comme sorties d'un bain d'acide. Quoi qu'il en soit je considérais la visite du Machu Picchu comme un "bonus" avant de venir : c'était loin d'être le but ultime de ce voyage, et la surprise a sans doute décuplé mon émerveillement devant cette splendeur.


Je laisse le mot de la fin à Pablo Neruda :

"Entonces en la escala de la tierra he subido
entre la atroz maraña de las selvas perdidas
hasta ti, Macchu Picchu.
Alta ciudad de piedras escalares,
por fin morada del que lo terrestre
no escondió en las dormidas vestiduras.
En ti, como dos líneas paralelas,
la cuna del relámpago y del hombre
se mecían en un viento de espinas.

Madre de piedra, espuma de los cóndores.

Alto arrecife de la aurora humana.

Pala perdida en la primera arena."

3 commentaires:

Anonyme a dit…

muy bien amigo y entonces ? merci pour ce moment savoureux qui me donne des envies... bisous .
Maman

Unknown a dit…

Hey Ma Pompe,

est-ce que tu as pu aussi visiter le temple de la Lune derrière le Huayna Picchu? Dans mes souvenirs (3 visites au Machu Picchu), c'était l'un des endroits les plus magiques...

En tout cas bon courage et merci pour les nouvelles et les photos!

Duchatte

Anonyme a dit…

Euh, disons qu'une fois arrivé en haut du Huayna, une petite raison technique m'a obligé à revenir vers l'entrée donc le temple de la Lune est passé à la trappe.

Et rien à voir, mais si t'as jamais lu Cortazar faut t'y mettre d'urgence, j'en ramène quelques-uns dans mes bagages !